Le fondement philosophique de l'État : deux traditions - Synthèse

Modifié par Estelledurand

La question du fondement de l'État : deux traditions

L'État peut apparaître ambivalent, à la fois légitime par sa loi qui fait coexister les libertés à égalité, et illégitime par sa domination. Quel est le fondement de l'État, qui puisse justifier son existence, et permettre de le corriger quand il est injuste ? Mais aussi, parmi les différents fondements conçus pour justifier l'État, quel est le fondement le plus légitime ?


Première tradition : l'État, réalisation naturelle et rationnelle de l'humanité

Pour une première tradition depuis Aristote jusqu'à Hegel, c'est la nature de l'être humain, à la fois politique, c'est-à-dire sociable, et aussi rationnelle, qui constitue de façon immédiate, directe, le fondement de l'État : cette nature fondamentale de l'être humain se déploie de façon effective dans diverses formes d'État. 

Si l'intérêt poursuivi par la Cité est commun au gouvernant et au gouverné, l'État fait appel à notre rationalité, et il est donc alors bien fondé. En revanche, la tyrannie ne l'est pas, car elle ne favorise que l'intérêt du gouvernant. L'individu n'est humain et n'a de droits que par son appartenance à l'État : à la limite, l'humanité se confond avec la citoyenneté.

On voit bien l'inconvénient possible d'une telle conception : de fait, tous les êtres humains ne se réalisent pas comme citoyens dans l'État, par exemple, dans les Cités antiques, les femmes et les esclaves, ou bien les étrangers, les castes inférieures, etc. N'est-on pas alors insidieusement conduit à prendre l'effet pour la cause, et à supposer que certains êtres humains soient moins pleinement humains que d'autres, par exemple qu'il y ait des esclaves par nature ?


Deuxième tradition : le droit naturel de l'humanité, fondement préalable à l'État de droit

Dans une deuxième tradition ouverte par Hobbes, celle du droit naturel moderne (jusnaturalisme) il s'agit aussi de fonder l'existence du pouvoir souverain de l'État dans la nature humaine. Mais dans le droit naturel de l'individu, indépendamment de toute référence à une société. L'État et la société sont donc fondés de façon indirecte, médiate, par le moyen d'un artifice, la convention commune d'un contrat social

En formant une société politique, les individus acceptent par ce contrat de renoncer à leur droit naturel, à leur liberté illimitée, en échange de la protection de l'État et de sa loi. L'individu est humain et possède des droits préalablement à son appartenance à l'État, à une société politique. Il faut distinguer les droits de la personne humaine, qui sont naturels, et les droits du citoyen.

Cette deuxième tradition demande une articulation complexe entre les droits humains et les droits du citoyen. Les droits humains, propres à notre nature, sont nécessaires pour fonder les droits du citoyen, qui sont inscrits dans la loi. Et les droits du citoyen sont nécessaires pour réaliser les droits humains. Mais ne peut-on considérer que les droits du citoyen réalisent toujours insuffisamment les droits humains, surtout si toute aspiration individuelle revendique pour elle et de façon illimitée ces droits de la nature humaine ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/philosophie-terminale ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0